jueves, 3 de febrero de 2011

boris vian (1920 - 1959) // el desertor

le déserteur

monsieur le président

vous lirez peut-être
si vous avez le temps
je viens de recevoir
mes papiers militaires
pour partir à la guerre
avant mercredi soir

monsieur le président

je ne veux pas la faire
je ne suis pas sur terre
pour tuer des pauvres gens
c'est pas pour vous fâcher
il faut que je vous dise
ma décision est prise
je m'en vais déserter
depuis que je suis né
j'ai vu mourir mon père
j'ai vu partir mes frères
et pleurer mes enfants
ma mère a tant souffert
elle est dedans sa tombe
et se moque des bombes
et se moque des vers
quand j'étais prisonnier
on m'a volé ma femme
on m'a volé mon âme
et tout mon cher passé
demain de bon matin
je fermerai ma porte
au nez des années mortes
j'irai sur les chemins
je mendierai ma vie
sur les routes de france
de bretagne en provence
et je dirai aux gens:
« refusez d'obéir refusez de la faire
n'allez pas à la guerre refusez de partir »
s'il faut donner son sang
allez donner le vôtre
vous êtes bon apôtre

monsieur le président

si vous me poursuivez
prévenez vos gendarmes
que je n'aurai pas d'armes
et qu'ils pourront tirer



el desertor

señor presidente

le escribo esta carta
que quizá lea usted
si tiene tiempo
acabo de recibir
la orden militar
para ir a la guerra
el próximo miércoles

señor presidente

no voy a hacerlo
no vine a este mundo
para matar pobre gente
no quiero que se enfade
pero he de decirle
que mi decisión es firme:
voy a desertar
desde el día en que nací
he visto morir a mi padre
partir a mis hermanos
y llorar a mis hijos
mi madre sufrió tanto
que ya está bajo tierra
se ríe de las bombas
y hasta de los gusanos
cuando estuve preso
me robaron la mujer
me robaron el alma
y todo mi pasado
mañana muy temprano
les cerraré la puerta
a aquellos años muertos
y me echaré al camino
pediré limosna
por las rutas de francia
de bretaña a provenza
y les diré a las gentes:
«niéguense a obedecer
niéguense a colaborar
no vayan a la guerra
niéguense a partir»
si hay que derramar sangre
derrame usted la suya
pues tan buen apóstol es

señor presidente

si ordena que me busquen
dígales a sus agentes
que no llevaré armas
que pueden disparar.

versión de manuel talens

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